A propos de la rencontre E. Macron, V. Poutine

Publié le par Cercle Algérianiste d'Aix en Provence

Nous avons suivi les échanges du 7 février 2022, à Moscou, entre le Président russe Vladimir Poutine et le Président français Emmanuel Macron concernant l’Ukraine, la souveraineté des états, les risques de guerre et l’action politique à engager pour entreprendre «la désescalade».

Sans commenter le fond, comment ne pas voir la longueur exagérée, et donc symbolique, de la table qui séparait les deux hommes, la raideur puis l’ironie du chef de l’Etat russe, enfin, et surtout, son départ rapide de la salle sans souci de son hôte français qui le suivait à plusieurs mètres.

Notre histoire en Algérie nous rend particulièrement sensibles à de telles humiliations, ou à d’autres plus significatives, qui sont infligées à la France depuis des décennies. Elles contrastent avec ce que les écrivains après nos instituteurs, de l’autre côté de la Méditerranée, nous avaient enseigné du respect que notre pays inspirait dans le monde et du sens aigu que les Français avaient de leur dignité.

En effet, pour nous ces humiliations font suite à d’autres qui marquèrent notre histoire dans les années 1950 et 1960. Elles en constituent le prolongement prévisible. Après l’Indochine, le reniement de la parole donnée en Algérie, les soldats pourtant victorieux abaissant leurs drapeaux, les Harkis désarmés, les familles abandonnés à leurs bourreaux, les accords bafoués ont privé la France de la dignité et de la force qui étaient la sienne dans l’imaginaire de nos contemporains. Elle qui, par calcul politique et intérêt financier, avait consenti au parjure et accepté de se soumettre en croyant devenir prospère, se découvre aujourd’hui faible et méprisée.

Nous pouvons nous demander si la France, ou aucun pays, ou aucun homme, n’est jamais « assez grand pour se passer d’honneur », pour sacrifier celui-ci aux gains du moment sans que quelque chose d’essentiel ne lui soit ôté dans l’avenir.

« Tout est perdu fors l’honneur », cette citation qui plaçait l’honneur au sommet de la hiérarchie des valeurs françaises était autrefois connue de tous. Sa prééminence a été abolie. Les présidents algériens successifs qui, depuis soixante ans, ont multiplié les accusations et les exigences de tous ordres en ont fait la lucrative expérience. Ils ont tout demandé, tout obtenu, sans se montrer jamais satisfaits : repentance, visas, avantages économiques, réécriture de notre histoire, effacement de nos symboles. La soumission de la France est sans borne.

Pourtant par la magie du verbe le pouvoir politique français est passé maître dans l’art de travestir chaque recul, chaque reddition, en victoire des grands principes. Qu’il s’agisse des coutumes étrangères qu’on laisse se substituer aux nôtres au nom de la tolérance, des aménagements nombreux de la laïcité auxquels nous consentons au nom de la liberté, de la réécriture de l’histoire conduite au nom de la réconciliation des mémoires.

Nous qui étions enfants ou jeunes gens lors de l’arrachement de 1962, qui avons échappé à l’enthousiasme destructeur de 1968, nous qui avons dénoncé les campagnes de presse faisant des soldats français des tortionnaires, et de la construction de l’Algérie le fruit d’une vile exploitation, nous tenons pour des impostures les lâchetés des hommes politiques qu’ils s’accordent à nommer actes de volonté et qui valent à la France l’indifférence méprisante des pays étrangers.

Evelyne Joyaux

 « Oh ! demain, c’est la grande chose !
De quoi demain sera-t-il fait ? 

L’homme aujourd’hui sème la cause,
Demain Dieu fait mûrir l’effet »

                                 Victor Hugo

Publié dans POINT DE VUE

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