IV - Congrés des Français d'Algérie à Perpignan : 1ère table-ronde

Publié le par Cercle Algérianiste d'Aix en Provence

Résumé de la première table-ronde intitulée : « En quoi l’exil a-t-il contribué à forger l’identité des Français d’Algérie ? » animée par Thierry Rolando (TR) avec Marie Muyl (MM), Gérard Crespo (GC), Jean-Baptiste Ferracci (JBF) et Jean-Pax Mefret (JPM)

- TR : Peut-on avoir quelques données de l’exode ?
- Selon GC, il y a eu, entre 1961 et 1963, 925 000 départs. Il ne reste plus alors que 65 000 Français en Algérie. Entre mars et août 1962 : 600 000 départs.
60 000 à destination de l’Espagne et 10 à 20 000 à destination d’Israël (beaucoup de retours en France par la suite).
- TR : Que faut-il penser de l’ouvrage de Pierre Daum du Monde Diplomatique préfacé par Benjamin Stora qui affirme que la thèse de "la valise ou le cercueil" ne serait qu'un mythe, de nombreux Français d’Algérie étant restés après l’indépendance ?
- Selon GC, sont restés en Algérie essentiellement de vieilles personnes ainsi que les pieds-noirs « progressistes » et les métropolitains « pieds-rouges » favorables aux indépendantistes, qui, tous, ont vite déchanté et sont repartis dans les 2 à 3 années qui ont suivi. 
- TR : Pourquoi Marseille a-t-elle été la plaque tournante de ce rapatriement ?
- Selon GC, il faut souligner ce rôle avant juin 1962, mais ne pas manquer de signaler son rôle paralysant compte tenu de la grève des dockers Cgtistes à cette date, qui entraînera des détournements vers Toulon (ville qui a dû suppléer à la défaillance du port marseillais, notamment pendant les massacres d’Oran du 5 juillet). On peut estimer à 60% le taux de départs par bateaux.
- TR : Quelle a été la participation de la marine nationale ?
Selon JBF, si la marine nationale a joué un rôle dans l’évacuation des harkis, de nombreux officiers n’ont pas compris  pourquoi elle n’a pas participé à l’évacuation des Français d'Algérie, alors qu’elle en avait les moyens financiers, administratifs et militaires.
- TR : Quelle est la mémoire que gardent de ce moment les Français d’Algérie ?
Selon MM, il découle des entretiens qu’elle a eus avec les Français d’Algérie que c’est le voyage qui a cristallisé cette douleur, qui s’est inscrit dans leur chair.
- TR : Quelles ont été  les conditions de l’évacuation des Français d’Algérie ?
- JPM tient d’abord à contester le mot « rapatriés », car il a fallu payer pour partir.
Incarcéré, lui, d’autres civils et deux officiers, ils font l’objet d’une évacuation sous haute surveillance. Ce sont les fesses de métropolitains qui les exposent à leur arrivée à Villacoublay, qui resteront sa première image de la France.
- TR : Cette désorganisation de l’accueil était-elle une politique construite du gouvernement ou un réel débordement ?
- Selon JBF, s’il y a eu une part d’improvisation, il ya eu une réelle volonté de freiner le rapatriement des Français d’Algérie. On en a également une illustration avec les harkis.
- TR : Quelle a été l’attitude de la presse à l’égard de cet exode ? (citant quelques passages terrifiants du Travailleur Catalan, journal local communiste, de juin 1962)
Selon JPM, dans la presse régionale le clivage est très net selon qu’elle très ancrée à gauche (rejet) ou à droite (comme Le Méridional ou Var Matin qui met en œuvre des dispositifs de soutien, ouvrant des rubriques de recherches d'emploi, etc...). La presse nationale, à l’exception de quelques titres, comme L’Aurore ou Le Figaro, ou certains articles plus nuancés d’autres journaux, est marquée par une attitude sidérante d’occultation et de minoration du phénomène de l’exode et des faits qui l’ont précédé.
- TR : Quelle a été l’attitude de l’opinion publique fortement conditionnée par le pouvoir politique et médiatique (citant un article du journal Combat, d’une malhonnêteté intellectuelle effrayante, ainsi que des sondages qui démontrent que la majorité des métropolitains refusaient de faire des efforts pour les Français d’Algérie) ?
- Selon JPM, les métropolitains voyaient dans les Pieds-Noirs, outre les images que les médias et les politiques leur présentaient de "riches colons" et "d'exploiteurs", ceux pour lesquels leurs enfants allaient mourir. 
- TR : Comment a été perçu ce rejet par les Français d’Algérie ?
Selon MM, c’est d’abord l’incompréhension devant cette situation. Pourtant tout au long de leur histoire, les Français d’Algérie n’ont été que des outils dans les mains de l’Etat, qui, quand il n’en a plus eu besoin, les a abandonnés. (applaudissements).
Par ailleurs, c’est un bouleversement total d’une population « qui se trouve confrontée à une assignation identitaire qu’il va falloir s’approprier, une nouvelle identité. C’est un nouveau départ. » (applaudissements)
Selon JPM, la construction identitaire passe par 4 étapes : l’affirmation individuelle face au métropolitain, la « cohérence » forgée par les mouvements associatifs, les commémorations qui unissent au nom de la mémoire, et , depuis les années 1980-1990, la reconstruction historique contre l’histoire officielle. 
Selon MM, c’est au moment où la communauté est éparpillée qu’elle devient la plus réelle. Les associations et Internet, où les informations sont riches et abondantes, permettent aujourd'hui de faire vivre la communauté.
- TR : Est-ce qu’au-delà de l’exode, les Français d’Algérie ont déjà conscience d’avoir vécu un drame commun, des souffrances, des massacres, etc… ?
Selon, MM, c’est ce par rapport à quoi ils se définissent aujourd’hui, ce qui s’est forgé dans la durée, ce, dans une vie, dont on ne peut faire abstraction. 

 

 

 

Prochainement : 2ème table ronde - " Mémoire d'une terre perdue : quelle transmission familiale ?" avec Danielle Bruyat et sa petite-fille Charlotte, Claire Navarro et sa fille, Sandrine Morales et Jean-Marie Roques.

 

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