CAMUS, à propos de "L'icône de la révolte " programmé sur LCP

Publié le par Cercle Algérianiste d'Aix en Provence

La commémoration du 60ème anniversaire de la mort de Camus fait l'objet de nombreux dossiers et films dans les médias.
Le Cercle d'Aix souhaite y consacrer un cycle de réflexions.

D'ores et déjà, la présidente du Cercle a communiqué par messagerie quelques-unes de ses réflexions sur le film qui a été diffusé sur la chaine parlementaire (LCP) en janvier dernier, " L'icône de la révolte". (publication ci-dessous)

Par ailleurs, de prochains RV seront consacrés à la lecture ou à la relecture de textes camusiens significatifs et concernant particulièrement notre histoire en Algérie, dans leur intégralité (et non à partir d’une sélection d’extraits).

Dans le cadre de ce cycle Camus, notre Cercle vous convie à son 1er RV consacré aux "Chroniques Algériennes", le 13 février prochain (l'annonce sera publiée prochainement) .
 

 

« L’icône de la révolte »

Le 4 janvier 1960 l’accident de voiture qui tuait Albert Camus fixait définitivement le contenu de son œuvre. Depuis, ses ouvrages semblent parfois avoir disparu sous les analyses et les commentaires qui leur ont été consacré.

En janvier 2020, pour le soixantième anniversaire de sa mort, Public-Sénat a réalisé un documentaire présenté à la télévision sous le titre : « L’icône de la révolte ». Ces mots surprennent, même si l’hebdomadaire Le Point les a déjà utilisés en 2013, car ils nous semblent mal convenir à ce que nous savons de l’écrivain.

Dans le film en question Albert Camus est celui qui  vient du  quartier « misérable » de Belcourt et qui reçoit pourtant le prix Nobel devant un parterre de gens célèbres, ce qui constitue un bel exemple d’ascension sociale. C’est le bon camarade qui tient le foot et le théâtre pour ses véritables « universités ». C’est le garçon « solitaire mais solidaire », le libertaire aux amours multiples, avide de plaisirs et de bonheur, l’homme qui jouit du moment présent et dont  la vie tumultueuse est sans remords. C’est enfin celui qui a mené les bons combats contre les totalitarismes et qui veut la réconciliation des hommes. A le découvrir ainsi, notre époque dirait volontiers que Camus est « sympa », lui qui avait pourtant suscité tant d’agressivité et de violents débats.

En fait « l’icône » a pris la place de l’écrivain. Rien de ce qui est dit ou montré de sa biographie n’est faux mais ses choix, ses goûts, sa vie, sont éclairés de telle sorte que Camus pourrait être, en dépit de l’anachronisme, à la fois une émanation de notre époque et le modèle proposé à sa jeunesse. Une jeunesse qui, nous l’apprenons, l’a mis en musique, tague son visage sur les murs et le porte  tatoué sur la peau. « C’est l’un des nôtres » dit le rappeur Abd-el-Malik qui a grandi dans une cité.

Lorsque le film aborde la position de Camus vis-à-vis de ce que l’on nomme aujourd’hui « la guerre d’Algérie » le commentaire reprend une thèse très répandue; celle-ci a l’avantage de ne pas compromettre vraiment le consentement que nous venons d’évoquer. En effet l’un des intervenants, Salim Bachi, explique que l’attachement charnel de Camus à sa terre natale aurait mis la raison de ce dernier hors jeu ; l’écrivain « écartelé » aveuglé par sa souffrance serait donc  devenu incapable d’un raisonnement sain concernant l’avenir de l’Algérie et son indépendance nécessaire qu’il ne pouvait se résoudre à accepter. Il se serait donc écarté du Bien mais, implicitement, Camus bénéficierait de circonstances atténuantes.

Est-ce à cause de « l’irrationalité » que l’on prête à son auteur que La chute, est passée sous silence, une œuvre majeure parue en 1956, année particulièrement tragique pour l’Algérie, et qui pose la question de la culpabilité et de la bonne conscience ? Est-ce pour cette même raison que, dans le film, on tait ses analyses géopolitiques de cette époque, les prévisions qu’il en tirait et ses mises en garde concernant l’avenir de la France, de l’Algérie et de l’Europe ? Un avenir qui est devenu notre actualité. «…au cas où s’évanouiraient les espérances raisonnables…devant les évènements graves qui surgiraient alors et dont, qu’ils attentent à notre pays ou à l’humanité, nous serons tous responsables solidairement, chacun de nous doit se porter témoin de ce qu’il a fait et de ce qu’il a dit » (A.Camus - Chroniques algériennes 1958)

Evelyne Joyaux

 

 

Publié dans POINT DE VUE

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